lundi 15 juin 2015

ARTE Reportage Corée du Sud : quand les seniors se donnent la mort

 ARTE Reportage

Corée du Sud : quand les seniors se donnent la mort
ARTE Reportage - samedi, 13 juin, 2015 - 18:35 Revoir

Pays : Corée du Sud   Tags : suicide, seniors

Ils s’appellent Sun Ja, Won Ho ou bien Jun Sun. Ils ont entre 70 et 91 ans, et pour eux, vivre est devenu plus pénible que se donner la mort. La Corée du Sud détient le triste record du nombre de suicides parmi les pays de l’OCDE.

Chaque jour, près de cinquante personnes mettent fin à leurs jours. Pendaison, empoisonnement aux pesticides, sauts depuis les ponts de Séoul, les seniors sont les plus touchés. Des campagnes aux clapiers de la mégapole se reproduisent les mêmes actes désespérés d’une génération précarisée et isolée, qui refuse d’être un fardeau pour la société.

Une génération qui s’est pourtant dévouée corps et âme pour reconstruire son pays au lendemain de la guerre de Corée, en la hissant au treizième rang des puissances industrialisées. Elle est aujourd‘hui sacrifiée et marginalisée dans un pays qui ne lui accorde que très peu de prestations sociales. Dans une société où l’individualisme a pris le pas sur le collectif, le mode de vie occidental a mis à mal les repères confucéens centrés autour de la dévotion et de l’entraide familiale.

Surnommée la "République du suicide", l’épidémie gangrène le pays et touche désormais les jeunes, broyés par une pression scolaire ou professionnelle. Pour trouver un sens à leur vie, ils sont des milliers à se tourner vers des cours de médiation mortuaire. Apprendre à mourir pour mieux se reconstruire dans une nouvelle vie. Autopsie d’un fléau auquel les pouvoirs politiques peinent à faire face.

Corée du Sud : quand les seniors se donnent la ...
(25 min) http://info.arte.tv/fr/coree-du-sud-quand-les-seniors-se-donnent-la-mort
De Véronique Mauduy, Anne-Charlotte Gourraud et Philippe Couton – ARTE GEIE / Wild Angle Productions – France 2015

Notre entretien avec la réalisatrice de "Corée du Sud : quand les seniors se donnent la mort" à écouter  http://info.arte.tv/fr/coree-du-sud-quand-les-seniors-se-donnent-la-mort


L'infographie à voir http://info.arte.tv/fr/coree-du-sud-quand-les-seniors-se-donnent-la-mort

Les nouvelles technologies à la rescousse
Suicides par internet

Cela fait plusieurs années que la Corée du Sud est, de loin, le pays de l’OCDE au taux de suicide le plus élevé. Un essor économique extrêmement rapide avait propulsé la société coréenne dans le culte de la performance et favorisé l'individualisme. Beaucoup d’habitants se sentent sous pression, n’arrivent plus à faire face et décident de mettre fin à leurs jours. La Corée du Sud est également un des pays les plus "connectés" au monde, ce qui explique l’engouement pour des forums et sites web assez particuliers. En quelques clics, l’internaute peut trouver un "mode d’emploi" au suicide mais aussi un compagnon d’infortune prêt à faire le grand saut avec lui. D’après le quotidien Chosun Ilbo, il existerait plus de dix mille sites internet de ce genre. Leur nombre a décuplé entre 2009 et 2012.

Une appli pour dissuader les candidats

En Corée du Sud, l’accès au suicide étant facilité par la technologie, le gouvernement mise lui aussi sur les technologies modernes pour dissuader les personnes dépressives de passer à l’acte. Dans la capitale Séoul, toutes les stations de métro sont équipées de portes palières vitrées en bordure des quais.

En mars 2015, le ministère de l’Education a présenté une appli pour smartphones visant à faire reculer le taux de suicide chez les jeunes. L’appli passe au crible toutes les activités de l’ado sur son téléphone, elle scanne ses messages envoyés, ses recherches sur internet et son comportement sur les réseaux sociaux pour détecter des mots-clés en rapport avec le suicide. Et si l’appli identifie un de ces mots, les parents sont alertés par un message téléphonique.

Le pont anti-suicides

A Séoul, tellement de Coréens se sont jetés du pont Mapo qu’il a été surnommé le pont des suicides. La ville a réagi en l’équipant de capteurs qui donnent l’alarme lorsqu’un candidat au suicide grimpe sur le garde-fou : des lumières s’allument, des images s’affichent pour lui rappeler les bons côtés de la vie et le dissuader de sauter. Des téléphones sont reliés à une hotline anti-suicides et une statue incarne un homme en train d’en consoler un autre. Un an plus tard, la ville de Séoul a diffusé un spot indiquant que le nombre de Coréens qui se jettent du pont Mapo aurait reculé de 77%. Et elle équipe d’autres ponts de capteurs et de caméras.



Un peu d'histoire : la Corée du Sud ces cent dernières années
Sous le "protectorat" du Japon
A la fin du XIXe siècle, le Japon remporte une guerre contre la Chine et exerce dès lors une domination sur la péninsule coréenne. En 1910, il annexe l’empire coréen et le déclare officiellement protectorat japonais. Il pousse le pays à s’industrialiser. En 1945, la défaite du Japon dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale met fin à cette occupation nippone.

Division de la Corée et Guerre froide

En 1945, les puissances victorieuses s’entendent sur le partage de la Corée en deux zones d’occupation de part et d’autre du 38e parallèle, attribuant le nord à l’Union soviétique et le sud aux Etats-Unis. Par la suite, la Guerre froide empêche une réunification des deux Corée. En juin 1950, la Corée du Nord tente d’imposer de force cette réunification en lançant une attaque contre le Sud. C’est le début de la guerre de Corée. Les Etats-Unis se rangent aux côtés de la Corée du Sud avec leurs forces armées, tandis que la Chine soutient le Nord. Plus de trois millions de personnes perdront la vie dans les combats qui durent jusqu’en 1953.

Dictature et essor

Dans les années 1960, la Corée du Sud compte encore parmi les pays les plus pauvres au monde. L’essor économique commence avec le Général Park Chung-Hee, qui s’empare du pouvoir en 1961 par un putsch et se fait élire président en 1963. Il gouverne le pays d’une main de fer pendant dix-huit ans. Sur le plan économique, sa politique de rigueur pose les bases qui permettront de faire de la Corée une des grandes nations industrielles. Il pousse la population à l’excellence et soutient à grands renforts d’aides gouvernementales et de plans quinquennaux cette industrie encore balbutiante, qui produira chaussures, jouets, appareils électroniques et automobiles. Après l’assassinat de Park en 1979, ses successeurs adoptent le même style de gouvernance. En été 1987, le Général Roh Tae-woo crée la surprise en modifiant la constitution pour lancer des réformes démocratiques. En novembre 1987, il est élu président au suffrage universel direct, et son mandat est limité à cinq ans. La Corée du Sud s’ouvre ainsi à la démocratie et devient une superpuissance économique.

Dossier : Donatien Huet, Judith Kormann, Uwe Lothar Müller
Dernière màj le 12 juin 2015
http://bit.ly/1HvdUkI