vendredi 17 mai 2013

REACTIONS A L ACTU : SUICIDE A l'ECOLE PAROLES DE PROFESSIONNELS

RÉACTIONS A L ACTU : SUICIDE A l'ECOLE ARTICLES D'INTERVIEWS DE PROFESSIONNELS


Suicide à l'école : "Des troubles très lourds pour certains enfants"



Quelles séquelles pour les enfants ayant assisté à la scène de suicide ? Les réponses d'Hélène Romano, psychologue spécialisée dans le psychotraumatisme des enfants.
Un homme d'une cinquantaine d'années s'est suicidé jeudi 16 mai à Paris dans le hall d'une école primaire devant une dizaine d'enfants de cours préparatoire. Certains n'auront aucune séquelle, alors que d'autres, à l'inverse, vont souffrir de troubles post-traumatiques très lourds, prévient Hélène Romano, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme des enfants, et auteur de "L'enfant face au traumatisme" (2013, Dunod). 
Quelles séquelles peut-on prévoir pour les enfants présents au moment du suicide ?
- Elles seront extrêmement variables : il y aura probablement autant de types de réactions que d'enfants. Un événement traumatique est potentiellement traumatogène, mais pas forcément. On le sait car des morts violentes moins exceptionnelles surviennent parfois à l'école, des accidents par exemple. Certains enfants n'auront aucune séquelle. D'autres à l'inverse vont souffrir de troubles post-traumatiques très lourds, et ne pourront plus aller à l'école.
Les séquelles éventuelles dépendent des ressources dont les enfants disposent avant pendant et après l'événement. Un enfant qui a déjà vécu des traumatismes auparavant est plus vulnérable. Les réactions des proches, parents et professeurs, pendant l'événement est très importante également : certains parviendront mieux que d'autres à les rassurer. Enfin même pour ceux qui sont choqués et qui présentent des troubles, une prise en charge peut permettre d'éviter un traumatisme à vie.
Les enfants qui ont assisté à la scène étaient des élèves de CP. Leur âge a-t-il un impact sur leur façon d'y réagir ?
- On a coutume de dire que les touts-petits ne comprennent pas, qu'ils vont oublier. C'est faux, ils sont encore plus fragiles. On entend que la mort n'a pas de sens avant l'âge de 8-9 ans. C'est vrai que les plus petits ne la comprennent pas, et n'en ont pas la représentation qu'en ont les enfants plus grands ou les adultes, mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas impactés. Ils n'ont pas les ressources de l'adulte ou de l'enfant plus grand, et d'autre part sont plus sensibles à la détresse de l'entourage.
6 ans, c'est un peu l'entre-deux. A cet âge on a davantage de ressources pour penser le monde extérieur, pour se rassurer soi-même. On peut se dire "Dans une heure je suis à la maison, je vais être avec maman, il ne se passera rien." Un tout-petit, lui, pensera : "Est-ce que la tête qui explose, ça va arriver à maman ? A moi ?". Souvent, à 6 ans, on a également été plus explosé à la mort, que ce soit celle d'un proche, ou d'un poisson rouge.
Ces enfants ont été pris en charge pour un suivi psychologique par le Samu prévu sur plusieurs jours, a annoncé Vincent Peillon. En quoi cela consiste-t-il, et cela peut-il être suffisant ?
- Cette prise en charge est à penser dans le temps. Il y a l'urgence : protéger de l'impact visuel et sensoriel ceux qui ont directement assisté à la scène. La prise en charge ne sera pas la même pour ceux qui ont vu, ceux qui ont entendu… il faut savoir qui a vu quoi. On sait que l'impact sensoriel est extrêmement violent. Couleurs, sang, odeurs, bruit : les enfants qui ont assisté à des scènes violentes donnent beaucoup de détails. Pour les enfants qui étaient présents dans le hall, il peut y avoir un effet de réactivation, c'est-à-dire qu'ils revivront la scène quand ils entreront à nouveau dans le hall.
Après cette prise en charge immédiate, il est nécessaire de rassurer, sans forcer à parler ou à dessiner comme certains collègues le pensent parfois. Il ne faut pas être dans l'obligation, être disponible pour en parler avec eux, mais uniquement s'ils le veulent.
Le suivi devra ensuite être fait à un mois, à trois mois, puis l'année d'après. Les effets traumatiques peuvent se manifester tout de suite (notamment par des jeux traumatiques où les enfants remettent en scène ce qu'ils ont vécu), ou au contraire beaucoup plus tard, à l'occasion d'un autre décès par exemple. Il peut y avoir un temps de latence jusqu'à ce qu'un élément déclencheur réactive le trauma.
Pour les enfants qui n'ont pas assisté directement au suicide, on n'est pas dans l'urgence. Il ne faut pas psychiatriser d'emblée, mais leur expliquer, leur dire ce qui s'est passé. Il est très important de retrouver le plus rapidement possible le rythme de l'école. Et d'encadrer les parents pour bien prendre en charge les enfants.
Interview de Hélène Romano par Anne-Sophie Hojlo, le jeudi 16 mai 2013

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Suicide dans une école maternelle : comment prendre en charge les enfants?


PSYCHOLOGIE - Comment prendre en charge les victimes de traumatisme lorsqu'elles sont en bas âge? Alors qu'un homme, dont l'identité n'est pas encore connue, s'est donné la mort devant une dizaine d'enfants dans une classe maternelle jeudi 16 mai, une cellule psychologique a immédiatement été mise en place par le ministère de l'Éducation nationale.

Quelles questions les psychologues poseront-ils aux enfants? Quelles sont les erreurs à ne pas commettre? Quels conseils donner aux parents? Le HuffPost a posé la question à Karen Sadlier, psychologue à l'Institut de victimologie et auteur de L'état de stress post-traumatique chez l'enfant (PUF).

HP: Comment les enfants vont-ils réagir?

KS: Dans ce type de situation, les enfants ont des réactions de stress traumatique. C'est normal, puisque ce dont ils ont été témoins aura été perçu comme une menace vitale. Ils devraient donc exprimer immédiatement des signes d'anxiété, de peur. Ils pourront aussi avoir des difficultés à s'endormir s'ils ne sont pas accompagnés par des adultes ou encore être irritables, ce serait même plutôt bon signe. Lorsque, à la suite d'un événement traumatique, un enfant n'exprime rien c'est qu'il est dans un état dissociatif. Loin de vouloir dire qu'il ne sera pas en souffrance, cela implique que les signes d'anxiété apparaîtront plus tard avec sans doute plus de force.

HP: Comment éviter cela?

KS: Les psychologues vont aider les enfants à verbaliser et à identifier leurs émotions. Tristesse, colère, ils devront aussi se tourner vers leurs parents qui pourront les y aider. L'essentiel est de ne pas laisser l'enfant seul avec l'événement et de récréer un lien de confiance avec un adulte. Les parents devront également être aidés avec la nécessité de prendre en compte cette donnée: l'événement a eu lieu dans une école privée, qui devait être considérée comme plus sûre, le choc n'en sera donc que plus grand.

HP: En maternelle la capacité des enfants à verbaliser est encore limitée, de quelle manière les psychologues vont-ils s'y prendre?

KS: Même en bas âge, les enfants sont capables d'identifier certaines émotions. La peur, par exemple, est très rapidement exprimée et exprimable pour un enfant. Les psychologues poseront des questions simples. De quoi l'enfant a-t-il eu peur? Du bruit? De l'entrée de l'homme dans la pièce? De la maîtresse qui a elle aussi eu peur? A-t-il peur que ça recommence? Les enfants ont aussi d'autres moyens d'exprimer ce qu'ils ressentent, notamment de manière plus ludique. Dessin, pâte à modeler, marionnettes, jeux, il y a différents scénarios. Leur ressentiment pourra s'exprimer dans des jeux avec des figurines, c'est important qu'ils puissent aussi s'exprimer comme cela. Mais dans un premier temps, les psychologues vont être plus directs.

HP: Quelles conséquences à long terme pour ces enfants?

KS: Quand la situation traumatique se résume à un seul événement comme c'est le cas ici, plus les enfants bénéficient du dialogue et de la capacité à s'exprimer dans le cadre de relations de confiance, plus ils sont en mesure d'absorber les symptômes du choc. Mais les souffrances peuvent perdurer s'ils ne trouvent pas ces cadres qui leur permettront de parler. Il en va de même pour les parents. Ils pourront également en parler entre eux, mais il sera peut-être plus simple de discuter directement avec des psychologues.

HP: On ne connaît pas encore l'identité de la personne qui s'est donnée la mort, comment faudra-t-il réagir si l'on se rend compte que c'était une personne connue des enfants?

KS: Cela fera entrer la prise en charge à un niveau de complexité supplémentaire. Dans ce cas, il faudra leur parler de l'individu, de ses problèmes, de sa maladie. Il faudra également leur poser la question de leur sentiment vis-à-vis de la personne? Comment se sentaient-ils avec elle? Quelle relation avaient-ils?

HP: Peut-on parler d'une enfance volée?

KS: La question est d'ordre philosophique et dépend de l'image que l'on se fait de l'enfance. Ce qu'on peut dire c'est que cet événement spectaculaire sera introduit par les enfants dans le cadre de leur expérience d'enfant. Ils sauront que ce type d'événement peut arriver. Dans tous les cas, il faudra continuer d'entretenir cette parole pour qu'ils intègrent cette expérience sans souffrir inutilement.


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Les parents doivent être en capacité de «recueillir l’angoisse des enfants»





INTERVIEW – Nicole Garret-Gloanec est pédopsychiatre au CHU de Nantes et présidente de la Fédération Française de Psychiatrie et invite les parents à ne pas rester sidérés pour être en capacité de «recueillir l’angoisse des enfants»...

Comment accompagner les enfants après cette épreuve?
La meilleure réponse, c’est la réponse qui vient des parents. Ils sont les plus disposés à recueillir l’angoisse des enfants. A partir de là, la question est «comment les professionnels peuvent intervenir auprès des parents pour qu’ils entourent le mieux possible leur enfant?» Les parents peuvent être sous le coup de l’effroi, complètement affolés à l’idée que leur enfant ait pu assister à une telle scène. Et rester sidérés, ce qui les empêcherait d’être en capacité de répondre à leur enfant. Dans un second temps, les professionnels peuvent permettent aux adultes et aux enfants d’en reparler, à distance de l’événement.
Quel impact aura cet événement sur les enfants?  
Pour les enfants, c’est un événement particulièrement dur mais qui fait partie de la vie. Son impact sur eux sera variable en fonction de leur histoire, de la culture de chaque famille, de leur représentation de la mort. Je n’ai jamais été confrontée au cas de figure d’un suicide dans une école. Je dirais que l’effet immédiat peut être équivalent à celui vécu face à un accident ou à un acte particulièrement violent. Il y a la même dimension d’effroi, une volonté d’agressivité en plus.  
Ils peuvent facilement digérer l’événement?
Les enfants savent ce que c’est de tirer, de tuer. Par ailleurs, dans des tas de pays, certains sont confrontés à la guerre. Le psychisme n’est jamais prêt à accueillir ce genre d’événement, c’est le cas pour un adulte, et plus encore pour un enfant. L’événement fera date dans leur esprit. Mais cela n’aboutira pas forcément sur des blessures aux conséquences négatives. Tout traumatisme peut être transformé. Ceux qui n’ont pas trop de fragilités, cela ne les empêchera pas de bien grandir. Pour ceux qui ont déjà des fragilités et vécu d’autres traumatismes, cela peut réveiller des choses de leur propre histoire.  

Propos recueillis par Lucie Romano

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Suicide dans une école : «Ne pas aggraver l'inquiétude des enfants»

INTERVIEW - Le Pr Louis Crocq est psychiatre spécialisé dans les syndromes traumatiques. Il a mis en place le réseau des cellules d'urgence médico-psychologique qui intervient dans l'école parisienne où un homme s'est suicidé jeudi.
LE FIGARO. - Quel peut être l'impact de la vue d'un suicide sur les enfants?
Pr Louis CROCQ. - Il y a d'abord une réaction immédiate. Elle va se manifester de différentes manières: la surprise, la frayeur, l'horreur, un sentiment d'impuissance... Cela peut également passer par des symptômes physiques: pâleur, sueurs, spasmes urinaires… Tout est possible. Des enfants peuvent être pris de logorrhée ininterrompue. Des enfants vont exiger davantage la présence de leurs parents et vouloir dormir avec eux. D'autres ne voudront pas aller à l'école. Le plus à craindre, c'est un état d'indifférence comme s'il ne s'était rien passé.
Peut-on s'attendre à un contrecoup avec des cauchemars?
Les cauchemars et les terreurs nocturnes viennent après. C'est ce qu'on appelle la phase post-traumatique, qui intervient dans les jours qui suivent l'incident. Dans la journée, les enfants vont répéter l'événement dans des jeux, des dessins ou des pensées. Cela alarme souvent les parents, mais c'est une manière pour eux de maîtriser la situation. On a longtemps cru que, comme ils sont des personnalités en devenir, les enfants se reconstruisent plus facilement. Mais ils ont un imaginaire de la mort plus violent et morbide que les adultes.
Quel va être le travail de la cellule d'urgence médico-psychologique?
Elle va entendre tout le monde: les témoins de la scène, ceux qui n'y ont pas assisté directement, les enseignants et les parents. Il y a un premier travail de «désamorçage», qui se fait individuellement ou en petits groupes. Il sert à réduire le débordement d'émotions en mettant des mots sur celles-ci. Un débriefing à l'aide de groupes de parole intervient plus tard dans la semaine. Les enfants pourront ainsi se rendre compte que les autres ressentent les mêmes émotions. Dans tous les cas, une feuille est distribuée aux parents avec les noms des personnes à contacter en cas de crise.
Quel rôle doivent jouer les parents?
Les parents sont aussi très émotionnés par ce drame. Leur premier réflexe est souvent de prendre leur enfant dans les bras et de pleurer. Or ils ne doivent pas aggraver l'inquiétude des enfants. Il s'agit d'être présent sans se montrer trop protecteur. Il faut éviter l'effet miroir: les enfants constatent le désarroi des parents et cela les déconcerte.