vendredi 29 décembre 2017

AUSTRALIE ETUDE RECHERCHE Le suicide des détenus: un problème à plusieurs niveaux

Titre original : Prisoner suicide: a multilevel problem
Le suicide des détenus: un problème à plusieurs niveaux
Sarah Larney Michael Farrell
National Drug and Alcohol Research Centre, University of New South Wales, Sydney, NSW, Australia

The lancet Psychiatry Volume 4, No. 12, p894–895, December 2017

Commentaire
Seena Fazel et ses collègues 1 présentent des données provenant de plusieurs pays confirmant que le taux de suicide continue d'être plus élevé dans les populations carcérales que chez les personnes non incarcérées de la communauté environnante. La prévention du suicide est une tâche clé pour les établissements correctionnels, mais l'identification des personnes les plus à risque de se suicider en prison n'est pas simple, et les limites de l'évaluation du risque pour identifier avec précision les personnes les plus à risque de suicide ont été reconnues. 2,3 Ce problème a amené les chercheurs à étudier le rôle des facteurs institutionnels, systémiques et environnementaux qui pourraient influencer le suicide des détenus, dans l'espoir d'identifier des cibles d'intervention modifiables.

À l'aide de données administratives provenant de 24 pays, Fazel et ses collègues 1 ont examiné l'influence d'une série de facteurs systémiques et environnementaux sur les taux de suicide chez les détenus, mais ils n'ont fait état que de peu d'éléments encourageants ou qui pourraient être utilisés pour réduire les taux de suicide. Les taux nationaux de suicide chez les détenus n'étaient pas associés aux taux de suicide dans la population générale; au surpeuplement; au rapport entre le nombre de détenus et le nombre d'agents pénitentiaires, de travailleurs de la santé ou d'éducateurs; aux dépenses quotidiennes par détenu; au roulement de la population; à la gestion des services de santé par le système judiciaire ou le système de santé; au taux de patients psychiatriques médico-légaux; et à la durée de l'incarcération. Le seul facteur associé aux taux de suicide des détenus était le taux d'incarcération, mais les taux de suicide plus faibles étaient associés à des taux d'incarcération plus élevés, ce qui n'était guère une cible valable. Comme le font remarquer Fazel et ses collègues, l'association est probablement due à l'hétérogénéité accrue des populations carcérales dans les pays où les taux d'incarcération sont plus élevés.

Une des limites de ces constatations est qu'elles n'incluent pas l'analyse au niveau de l'établissement. L'étude a été réalisée au niveau national, ce qui pourrait masquer certaines variations dans les taux de suicide entre les prisons d'un même pays qui pourraient fournir des indices sur la prévention du suicide. Dans le système carcéral de l'Angleterre et du pays de Galles, les facteurs institutionnels prédisant des taux de suicide plus élevés comprenaient une population plus nombreuse, une cote de sécurité plus faible et un taux de roulement de la population plus élevé. 4 L'inclusion de facteurs institutionnels dans les analyses à plusieurs niveaux des taux de suicide pourrait s'avérer utile pour identifier davantage les sources de variation qui pourraient être ciblées dans les interventions de prévention.

Notamment, à une exception près, tous les pays inclus dans l'analyse de Fazel et de ses collègues sont des pays à revenu élevé (la Croatie étant une nation à revenu moyen supérieur). Les données sur la santé et la mortalité des détenus dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont rares, mais les conditions de vie sont extrêmement médiocres en termes de surpopulation carcérale, d'hygiène, d'accès aux soins de santé et d'approvisionnement alimentaire insuffisant, en particulier dans les pays à faible revenu. On ne sait pas très bien comment ces mauvaises conditions peuvent influer sur les taux de suicide. Le surpeuplement ne semble pas être lié aux taux de suicide dans les pays où il a été examiné, mais un surpeuplement extrême du type de celui observé dans les pays à faible revenu (avec des taux d'occupation de 200% ou plus, contre 84-134% dans les pays analysés) et une proportion élevée de détenus en détention provisoire à long terme pourrait créer des facteurs de stress supplémentaires qui favorisent la suicidalité. Les données provenant d'un éventail plus diversifié de pays nous permettront de mieux comprendre l'influence des facteurs systémiques et environnementaux sur le risque de suicide des détenus. La collecte de ces données nécessiterait l'affectation de ressources spécifiques à la mise au point de systèmes de collecte de données dans les prisons des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.

Bien que des analyses et des données complexes à plusieurs niveaux provenant de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire puissent fournir des informations supplémentaires pour éclairer les stratégies de prévention du suicide en prison, il semble raisonnable de suggérer qu'une intervention efficace pour réduire le nombre de suicides en prison consisterait à réduire considérablement l'incarcération des personnes atteintes de maladies mentales graves, tout en améliorant simultanément l'accès aux soins psychiatriques et aux systèmes de protection sociale. On pourrait faire valoir que cela fera passer les suicides en prison au milieu communautaire, mais cela semble peu probable étant donné le rôle de l'incarcération elle-même en tant que facteur de stress qui déclenche un comportement suicidaire. 5, défaut de cela, il est peu probable que la clé de la prévention du suicide en prison se trouve dans les évaluations des risques et les interventions au niveau individuel; il faut plutôt adopter une approche globale à l'échelle de l'établissement pour créer un environnement humain qui favorise la sécurité et le bien-être de toutes les personnes incarcérées. Cette approche consisterait notamment à garantir une activité délibérée et un temps de sortie adéquat des cellules pour les personnes en détention, à éviter les mesures disciplinaires inutilement punitives et à offrir un soutien accessible aux détenus expérimentés.

References
  1. Fazel, S, Ramesh, T, and Hawton, K. Suicide in prisons: an international study of prevalence and contributory factors. Lancet Psychiatry. 2017; 4: 946–952
    View in Article
    | Summary | Full Text| Full Text PDF| PubMed
  2. Horton, M, Wright, N, Dyer, W et al. Assessing the risk of self-harm in an adult offender population: an incidence cohort study. Health Tech Assess. 2014; 18: 1–151
    View in Article | Crossref| PubMed| Scopus (4)
  3. National Institute for Health and Care Excellence. Self-harm in over 8s: long-term management. National Institute for Health and Care Excellence, London; 2011
    View in Article
  4. van Ginneken, EFJC, Sutherland, A, and Molleman, T. An ecological analysis of prison overcrowding and suicide rates in England and Wales, 2000–2014. Int J Law Psychiatry. 2017; 50: 76–82
    View in Article| Crossref| PubMed| Scopus (3)
  5. Marzano, L, Hawton, K, Rivlin, A, and Fazel, S. Psychosocial influences on prisoner suicide: a case-control study of near-lethal self-harm in women prisoners. Soc Sci Med. 2011; 72: 874–883
    View in Article| Crossref| PubMed| Scopus (37)
  6. Rivlin, A, Fazel, S, Marzano, L, and Hawton, K. The suicidal process in male prisoners making near-lethal suicide attempts. Psychol Crime Law. 2013; 19: 305–327
    View in Article| Crossref| Scopus (11)
  7. H

http://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(17)30435-2/fulltext