jeudi 20 avril 2017

CRITIQUE DEBAT PRESSE «13 Reasons Why», la série à succès qui libère la parole des ados sur le suicide et le harcèlement

«13 Reasons Why», la série à succès qui libère la parole des ados sur le suicide et le harcèlement

SERIE Certains psychologues sont sceptiques quant à la façon dont le suicide et le harcèlement sont traités au sein de la série…

Mathilde Groulard Publié le 19.04.2017 http://www.20minutes.fr/*

Diffusée sur Netflix depuis un peu plus de deux semaines, la série 13 Reasons Why, tirée du roman éponyme à grand succès de Jay Asher, semble être le phénomène du moment, au vu des nombreux tweets qu’elle suscite ( la série en a comptabilisé plusieurs millions très rapidement) et du binge watching opéré par les internautes et attesté par Netflix. Son succès a été si fulgurant qu’elle figure parmi les sujets les plus repris sur les réseaux sociaux aux Etats unis, et fait beaucoup parler en France aussi…

Parmi les séries évoluant dans le monde adolescent tout en instaurant une part de suspens, telle que Riverdale, ou plus anciennement Pretty Little Liars, 13 Reasons Why se démarque par les sujets délicats dont elle traite. Elle met en avant différentes problématiques sociales qui ne sont pas souvent abordées, telles que le suicide, mais aussi le viol ou le harcèlement scolaire.
Une série dangeureuse ?

L’œuvre de Brian Yorkey met en scène Hannah Becker, lycéenne d’apparence ordinaire, qui va se donner la mort. Avant son suicide, elle enregistre sept cassettes audio expliquant les treize raisons pour lesquelles elle a souhaité mourir, afin que les personnes liées à sa décision en prennent postérieurement connaissance.

Plus généralement, la série a touché le public par la façon intelligente et sensible dont elle traite la période transitoire de l’adolescence.

Cependant, la série a également reçu son lot de critiques. L’organisme de santé mentale australien Headspace, a ainsi publié un avertissement dans le pays afin de mettre en garde les adolescents et parents sur les dangers liés à la diffusion de la série. Sa directrice Kristen Douglas s’en est expliquée dans une interview sur ABC : « Des spectateurs ont déclaré que la série avait mis au jour leurs propres vulnérabilités, et les avait amenés à se demander si le suicide était une possibilité envisageable. » Elle estime que la diffusion de la scène de suicide en elle-même ne permet pas de réaliser la gravité de la décision.
Message aux harceleurs

Plusieurs psychologues se sont posé la question de la nécessité de montrer la scène de suicide du personnage principal qui aurait pu être simplement évoquée. Les producteurs, dont la star Selena Gomez, répondent qu’ils espéraient ainsi faire réaliser aux potentiels harceleurs la gravité de leurs actes.

20 Minutes a demandé à ses internautes ce qu’ils avaient pensé de la série. Nous avons reçu énormément de réactions. Parmi elles, Cécilia explique que « la série ne fait pas du tout l’apologie du suicide. Elle est parfois dure, très dure, mais nécessaire. Il s’agit d’un grand sujet d’actualité. L’interdire ou la censurer, ça serait condamner les futures personnes en situation de détresse. »

Les épisodes de la série ont permis à plusieurs internautes de réaliser l’impact d’actes d’apparence anodins, et la détresse ressentie par le personnage d’Hannah, campé par l’actrice Katherine Langford, particulièrement juste pour son premier rôle. Les jeux de lumière et la bande son participent à l’atmosphère pesante mais poétique de la série.

Certains voient même les scènes « trash » comme nécessaires à la réalisation de l’impact des actes de harcèlement. Selon Annie Dervartanian, une internaute qui a contribué à notre enquête, la série doit « être marquante, avoir un impact direct et fort, faire du bruit et donner envie aux personnes qui subissent de faire changer les choses, mais surtout, elle doit être adressée à un large public et pas seulement des adolescents (…) A chaque épisode on avait l’impression de participer au suicide d’Hannah, qui nous a, en grande partie, laissés dans un malaise bien après le dernier épisode. »
Aide à la parole

13 Reasons Why a également séduit par sa volonté de représenter différents milieux sociaux, et ne se cantonne pas aux clichés véhiculés par une multitude de shows américains, en mettant en avant des personnages plus profonds qu’ils n’y paraissent. Au-delà du mal-être d’Hannah, la série nous immisce dans l’intimité de ses camarades, de sa famille, qui, malgré leurs erreurs qui ont contribué à la tragédie, ne sont pas diabolisés.

Le sentiment de solitude et d’isolement d’Hannah crève l’écran, il est cependant regrettable de ne pas évoquer les différentes possibilités de soutien dont elle aurait pu bénéficier. Seule l’impuissance, voir l’indifférence de ses camarades ainsi que des adultes qui l’entourent, sont mises en avant.

Certains adolescents ont partagé leurs expériences de harcèlement sur le compte Twitter @13reasonswhyFRA, et ont expliqué s’être sentis moins seuls, et mieux compris à la découverte du personnage d’Hannah. Mais pour Kristen Douglas, directrice de Headspace, d’autres auraient vécu la série d’une toute autre manière et se seraient au contraire sentis en détresse suite au visionnage des épisodes.
Une série éducative

Mais ces critiques restent minoritaires. Beaucoup d’adolescents se sont intéressés aux problématiques évoquées en s’identifiant aux personnages, ce qui constitue un atout indéniable de la série. Le succès viral de 13 Reasons Why sur les réseaux sociaux en a fait un forum de discussion pour adolescents, dont se sont emparés des professionnels de l’éducation et des parents.

Le succès de la série rappelle celui du film Virgin Suicides qui avait, en son temps, aider à libérer la parole d’adolescents sur le sujet délicat du mal-être adolescent. 13 reasons Why constitue même pour certains internautes, une véritable série éducative. « Dès la fin de la série, je me suis dit que ce serait une bonne chose de la faire partager dans les établissements scolaires, explique notre internaute Jérémy Antonoff. Pour moi, cette série s’adresse autant aux étudiants et aux parents qu’à la responsabilité des pouvoirs publics, et elle est tout à fait capable de changer les choses, de modifier les visions ».

13 Reasons Why n’a probablement pas fini de faire parler d’elle, puisque Brian Yorkey a déjà exprimé son désir de produire une suite, quant à Jay Asher, l’auteur du livre unique, il ne semble pas opposé à la sortie d’une saison 2.
http://www.20minutes.fr/television/2052659-20170419-13-reasons-why-serie-succes-libere-parole-ados-suicide-harcelement