mardi 11 octobre 2016

A l'occasion de la journée de santé mentale plusieurs articles sélectionnés pour comprendre les troubles mentaux et les destigmatiser...

A l'occasion de la journée de santé mentale plusieurs articles sélectionnés pour comprendre les troubles mentaux et les destigmatiser...

- Les troubles mentaux ne sont pas des fictions !
- Dans la tête d'un schizophrène grâce à la réalité virtuelle

Les troubles mentaux ne sont pas des fictions !
On sait peu de choses sur la manière dont sont compris, vécus, ressentis, les troubles mentaux dans la population.
10/10/2016 huffingtonpost.fr *
Luc Mallet Professeur de psychiatrie à l’Université Paris-Est Créteil et chef d’équipe à l’ICM
Margot Morgiève Chercheuse en sociologie de la santé mentale, ICM-CERMES3​​​​​​​
Xavier Briffault Chercheur en sciences sociales et philosophie de la santé mentale au CNRS


DR

Dépression, anxiété, hyperactivité, schizophrénie, autisme, addiction, stress post-traumatique, hypocondrie, anorexie, pyromanie, trouble explosif intermittent, paraphilie... Les termes utilisés pour désigner les troubles mentaux sont nombreux. Selon les classifications utilisées, on peut en dénombrer plusieurs centaines bien que concrètement on peut les regrouper en un nombre limité de grandes catégories (troubles de l'humeur, de l'anxiété, du développement, des apprentissages, de la personnalité, de la sexualité, de l'alimentation...).

Au delà des débats d'experts sur la catégorisation plus ou moins fine de ces troubles, le consensus reste qu'un nombre important de personnes en souffre. Selon les chiffres communément admis, 1 personne sur 4 présentera l'un de ces troubles au cours de sa vie, durant une période plus ou moins longue, de quelques semaines à de nombreuses années, avec d'importantes conséquences. Les troubles mentaux sont, dans les pays industrialisés, la deuxième cause d'années de vie passée avec un handicap et ils sont l'un des principaux facteurs de risque de suicide (en France plus de 10.000 morts par an, et 200.000 tentatives).

Souffrir d'une dépression sévère, c'est être incapable de penser, ne pas pouvoir planifier quelques minutes en avance, penser à la mort ou à se tuer plusieurs heures par jour, ne plus éprouver aucun plaisir, perdre son attachement à ses enfants...

Les troubles mentaux ne sont pas des fictions. Souffrir d'une dépression sévère, c'est être incapable de penser, ne pas pouvoir planifier quelques minutes en avance, penser à la mort ou à se tuer plusieurs heures par jour, ne plus éprouver aucun plaisir, perdre son attachement à ses enfants, ses amis, ne plus dormir... Avoir un trouble anxieux généralisé grave, c'est être terrorisé en permanence, penser que ses proches ont eu un accident mortel parce qu'ils sont en retard, craindre en permanence le pire, subir les affres physiques de l'angoisse extrême. Avoir un trouble psychotique, c'est sentir son corps se fragmenter, sa perception se désintégrer, entendre des voix imaginaires proférer des insultes, sentir sa volonté et ses désirs se déliter. Être hypocondriaque, c'est vivre dans la terreur permanente d'avoir une maladie grave, consulter pour la découvrir des dizaines de médecins, faire des centaines d'examens, interpréter chacun de ses signes corporels comme une preuve de la maladie non découverte, avoir la totalité de sa conscience envahie par l'obsession médicale au point de ne plus pouvoir vivre.

Ces multiples troubles dont on prétend parfois qu'ils sont inventés par une société intolérante dans l'unique but d'exclure les personnes différentes ou par les laboratoires pharmaceutiques dans le seul but de faire du profit en vendant des psychotropes, font pourtant réellement souffrir, souvent atrocement, ceux qui les subissent. Ils peuvent parfois en mourir. Dans tous les cas, leur vie en est gravement affectée, ainsi que celle de leurs proches.

Par ailleurs, ce que nous pensons de ces troubles et des personnes qui les subissent peut empirer leurs situations. Les conséquences pour les personnes de ces représentations péjoratives sont : l'exclusion de la vie sociale, la dégradation de leurs relations et la diminution de leur estime personnelle. Les préjugés peuvent ruiner leurs espoirs de trouver des solutions thérapeutiques ou les précipiter dans la consommation de substances inefficaces voire dangereuses. Mal informé, l'entourage peut aussi s'épuiser et perdre espoir jusqu'à se détourner de leurs proches en souffrance.

Les troubles mentaux ne sont pas des fictions, mais les noms que nous leur donnons et la manière dont nous les classons ne sont que des raccourcis commodes. Ces étiquettes sont limitées et limitantes pour parler de problématiques particulièrement complexes dans lesquelles s'entremêlent des processus biologiques, psychologiques, contextuels, environnementaux et sociaux. La tendance à la déconstruction de ces catégories psychiatriques traditionnelles est aujourd'hui massive dans la recherche scientifique de pointe. Plutôt que de continuer à classer les personnes dans des catégories grossières dans lesquelles elles ne rentrent jamais, et qui servent de support à des stratégies thérapeutiques inadaptées et peu efficaces car trop générales, la tendance est aujourd'hui à une psychiatrie personnalisée, à des approches singulières qui cherchent à comprendre les mécanismes générateurs de souffrance spécifique à chacun et à chaque situation afin de proposer des interventions complexes et sur mesure.

Dans cette évolution de la recherche vers plus de subtilité, de finesse, de singularité, les représentations sociales des troubles mentaux, celles du grand public, celles des patients, celles des proches, celles des professionnels peuvent jouer un rôle positif dans le processus de soin, ou au contraire venir restreindre notre capacité à évoluer en nous maintenant dans des schèmes stéréotypés de pensée. On sait peu de choses, dans les détails, sur la manière dont sont compris, vécus, ressentis, les troubles mentaux dans la population. Pourtant, cette connaissance est indispensable pour pouvoir communiquer à propos de la santé mentale et des stratégies efficaces d'intervention, et même pour comprendre les troubles mentaux eux-mêmes car, plus encore que les maladies strictement somatiques, ils sont aussi faits de représentations, de normes, de valeurs, de relations.

Les approches traditionnelles d'enquête sur ces questions sont lourdes et lentes à mettre en place, et elles ne permettent pas de contribuer directement à l'évolution des représentations elles-mêmes. C'est pourquoi nous avons développé un nouvel outil qui permet à chacun de dire ce qu'il pense des troubles mentaux et de leur prise en charge, à partir des témoignages filmés de personnes présentant des troubles mentaux qui parlent de leur vécu, tout en s'informant sur ce que pensent les autres répondants et des experts invités à rapporter l'état des connaissances scientifiques actuelles sur ces questions.

Nous avons développé un nouvel outil qui permet à chacun de dire ce qu'il pense des troubles mentaux et de leur prise en charge. Venez contribuer et en apprendre davantage sur les troubles mentaux en participant à l'enquête Crazy'App.

Venez contribuer à la recherche et à l'amélioration des soins et en apprendre davantage sur les troubles mentaux en participant à l'enquête Crazy'App. Cela ne vous prendra que quelques minutes et vous pourrez y répondre en plusieurs étapes, de n'importe où, depuis votre smartphone, votre tablette, votre ordinateur.

Les signataires:
Xavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et philosophie de la santé mentale au CNRS-CERMES3
Maria Halphen, Fondatrice de la Fondation Philippe et Maria Halphen en France et Présidente de Meeting For Minds à l'international
Professeur Luc Mallet, Professeur de psychiatrie à l'Université Paris-Est Créteil et chef d'équipe à l'ICM
Margot Morgiève, Chercheuse en sociologie de la santé mentale, ICM-CERMES3​​​​​​​
Karim N'Diaye, chercheur en neurosciences et psychologie à l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM)
http://www.huffingtonpost.fr/luc-mallet/les-troubles-mentaux-ne-sont-pas-des-fictions/


***

Dans la tête d'un schizophrène grâce à la réalité virtuelle
Par Robin Cannone - le 10/10/2016 sante.lefigaro.fr

Avec le simulateur oculus développé par des psychiatres, on peut désormais «ressentir les symptômes» de la schizophrénie.

Qui parmi nous sait ce que ressent une personne atteinte de schizophrénie en période de crise? Cette maladie psychiatrique, qui concerne 600.000 Français, est encore largement méconnue du grand public. Les professionnels de santé eux-mêmes pourraient gagner à mieux appréhender le ressenti de ces patients. C'est l'objectif du simulateur virtuel mis au point par le Dr David Travers, psychiatre au CHU de Rennes, à l'initiative du laboratoire pharmaceutique Janssen.

Destiné aux psychiatres, ce dispositif innovant disponible sur un casque oculus a été présenté aux médias la semaine dernière. L'occasion pour Le Figaro de le tester, en amont de la journée mondiale de sensibilisation aux maladies mentales ce lundi.
Hallucinations auditives et visuelles

En enfilant le casque, l'utilisateur est plongé dans la peau d'une personne atteinte de schizophrénie dans trois situations de la vie quotidienne (devant la télévision, dans un bus et à la vidéothèque). En apparence anodines, ces situations ne tardent pas à être compliquées par les symptômes du trouble: hallucinations auditives et visuelles, sentiment de persécution et de stigmatisation. Les images et les sons envoyés à l'utilisateur lui montrent ainsi un présentateur télé s'interrompant au milieu d'un programme pour le rabaisser. Dans le bus, une voix intérieure lui répète qu'il «ne vaut rien» et insinue que les autres passagers le dévisagent parce qu'il est «nul», ou mal habillé. Difficile de distinguer le réel de l'imaginaire: or c'est bien cela qui caractérise la maladie.

En enfilant le casque oculus, l'utilisateur est plongé dans trois situations de la vie quotidienne perçues avec les yeux d'un schizophrène. Ici, un déplacement en bus.

Ce dispositif, non commercialisé, est actuellement présenté à des psychiatres lors de conférences médicales et congrès. Le laboratoire Janssen, qui a mis au point plusieurs antipsychotiques (halopéridol et risperdal entre autres) depuis le milieu du siècle dernier afin de lutter contre ce trouble, envisage de mettre cette technologie à leur disposition afin de les aider «à mieux comprendre le patient».
Un trouble encore trop méconnu

Si beaucoup de gens connaissent le mot «schizophrénie», l'image qu'ils en ont est très souvent incorrecte. Associé à tort avec un dédoublement de la personnalité, il s'agit en fait d'un trouble mental lié à un dysfonctionnement cérébral plus complexe qui touche une personne sur 100. Une schizophrénie se caractérise par un certain nombre de symptômes: hallucinations, idées délirantes, discours et comportement désorganisés ainsi qu'une baisse de l'expressivité émotive et de la volonté. Ces symptômes apparaissent insidieusement et s'installent petit à petit dans le quotidien du malade. La plupart des cas se déclarent chez des adolescents ou de jeunes adultes entre 15 et 25 ans.

«Ce simulateur pourrait aider à comprendre la maladie et à la déstigmatiser», estime Yann Hodé, psychiatre dans le centre hospitalier du Jura Bernois. «On prétend souvent que le schizophrène est quelqu'un qui manipule, mais c'est faux», poursuit-il. «L'ignorance alimente les préjugés et une conduite d'évitement. Tout ça est lié à la fausse idée que le schizophrène est quelqu'un de violent», rappelle Véronique Antoine, vice-présidente de l'association PromesseS qui réunit des proches de personnes touchées. «Il faut savoir que cette maladie évolue bien et se soigne. En traitant les gens qui en souffrent plus précocement, on aboutira à de meilleurs résultats et au changement de l'image du trouble», précise Yann Hodé.


http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/10/10/25500-dans-tete-dun-schizophrene-grace-realite-virtuelle