Il a griffonné quelques mots d’adieu, empoigné son arme de service et tiré. Mardi, un brigadier a mis fin à ses jours comme, avant lui, 42 collègues depuis début 2014. Un chiffre préoccupant même si les suicides sont un problème récurrent dans la police.
«Merci pour les années ensemble.» Ce sont les derniers mots du brigadier à ses camarades de la police judiciaire de Dijon, retrouvés chez lui dans une lettre. Rien d’autre. Le jeune homme semblait avoir une vie rangée, ses collègues sont «sous le choc».
Selon une source officielle, quarante-trois policiers de tous grades ont mis fin à leurs jours depuis début le début de l’année, avec un pic cet été. A ce rythme, le record de 1996 - 70 suicides de policiers contre 50 par an en moyenne - pourrait être égalé. Un chiffre noir.
Fin septembre, le ministre de l’Intérieur avait aussi recensé, dans un discours aux forces de l’ordre, dix-sept suicides parmi les militaires de la gendarmerie qui n’est pas épargnée par le phénomène.
Bernard Cazeneuve a évoqué un «désarroi» dont il faut «chercher les causes» et des «solutions». Il a annoncé qu’il présiderait une réunion sur ce sujet en 2015.
La Direction générale de la police nationale (DGPN) a elle prévu une réunion avec les syndicats de police le 5 novembre. «Les suicides sont notre priorité, il faut y travailler tous ensemble», assène-t-elle.
Les syndicats sont vent debout sur ce sujet sensible et font souvent le lien entre ces drames et le «stress» ou les «conditions de travail». Le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), majoritaire chez les officiers de police, estime ainsi que «les années se suivent et se ressemblent» et que «le taux de suicide constaté dans la police reste anormalement élevé»: 36 pour 100.000 contre 20-22 pour 100.000 pour le reste de la population, dit-il se basant sur les quelques études existantes.
Il invoque la «pression des statistiques» ou un «management inadapté» comme possibles explications.
- «Moyens létaux» -
Le tribunal administratif de Nice a reconnu récemment la «responsabilité de l’administration dans le suicide» d’une policière de Cagnes-sur-Mer qui s’est donné la mort en juillet 2011, après un cas identique à Poitiers en mai dernier.
C’est rarissime: les études officielles et de la police nationale, sur le sujet, écartent tout contexte professionnel «dans la très grande majorité des cas» qui concerne des fonctionnaires entre 40 et 49 ans.
Les récentes «condamnations du ministère de l’Intérieur devraient (...) inciter l’administration à remettre en cause sa vision managériale», raille pourtant le SCSI, «et à respecter des règles élémentaires en matière de conditions de travail».
Plus de la moitié des fonctionnaires mettent fin à leurs jours le font avec leurs armes de service, ce qui «nous différencie un peu du reste de la population», pense un haut fonctionnaire. «Comme les médecins, où le taux de suicide est très important, nous avons à portée de main des moyens létaux, maitrisés, pour en finir», ajoute-t-il.
La DGPN dit «prendre le problème à bras le corps». En septembre, une première en France selon les spécialistes, les 2.000 policiers du Val-d’Oise, près de Paris, ont dû déposer leurs armes au service après le suicide coup sur coup de deux collègues. Sur ordre de la hiérarchie qui a invoqué la «prévention». «Infantile», a tonné le second syndicat d’officiers, Synergie, pointant la «dangerosité du métier» et la nécessité de pouvoir y faire face.
La direction de la police met en avant les «cellules de veille» et «pôles de vigilance» mis en place dans chaque département pour prévenir les passages à l’acte. «La détection est très difficile, chez nous comme ailleurs», avance-t-elle, un peu désabusée face aux mauvais chiffres de 2014.
AFP