mardi 3 décembre 2013

FRANCE RECHERCHE Les tentatives de suicide semblent favoriser la prise de médicaments dans l'entourage

Les tentatives de suicide semblent favoriser la prise de médicaments dans l'entourage
Lundi 2 décembre 2013 - 15:00

MARSEILLE, 2 décembre 2013 (APM) - Les tentatives de suicide semblent entraîner une augmentation importante de la consommation de médicaments parmi les proches d'un suicidant, ce qui pourrait représenter un coût estimé à plus de 300 millions d'euros par an, suggère une étude lilloise présentée samedi au Congrès français de psychiatrie à Marseille.

La tentative de suicide d'une personne propage une souffrance en cascade sur les différents cercles de l'entourage familial et affectif, qui peut se mesurer en termes de stress traumatique et d'impact médico-économique. Chaque année, 3.750.000 Français sont concernés par une tentative de suicide de l'un de leurs proches, rappellent le Pr Guillaume Vaiva du CHU de Lille et ses collègues dans  une copie de leur communication orale.

Pour avoir une meilleure estimation de cet impact, ils ont conduit une étude auprès de 171 adultes habitant sous le même toit que le suicidant, adulte, ayant survécu à une tentative de suicide datant de  moins de 15 jours. Dans près des trois quarts des cas (73%), l'informateur a été le conjoint.

Ils ont examiné leur consommation de soins à trois mois et à un an puis l'ont comparée à celle d'une population appariée de 456 personnes issues des enquêtes "santé protection sociale" de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) en population générale.

"Le processus d'inclusion a été extrêmement difficile car lorsque l'entourage existait, la tentative de suicide signait une rupture dans la moitié des cas", observent les auteurs.

Pour 51% des suicidants, il s'agissait d'une première tentative (une deuxième pour 19% et au moins deux pour 30%). La létalité du geste a été considérée faible pour un tiers, moyenne pour 28% et élevée pour 39%.

Un an après la tentative de suicide de leur proche, ils sont 74% à estimer qu'ils vont "plutôt bien", 26% se déclarant en mauvais état de santé, contre 21% au moment de l'événement. Ils sont 32,6% à rapporter au moins une pathologie chronique à un an, contre 29,5% au moment de l'événement. La détresse psychique recule puisque 19% de l'entourage se disent encore moroses à un an de suivi, contre 36,9% au moment de
la tentative de suicide de leur proche.

Globalement, l'état de santé des proches s'améliore (détresse psychique) ou reste constant, considèrent les auteurs. En outre, les consultations de soins restent stables, que ce soit pour voir le généraliste (90,8% de l'entourage ont consulté dans l'année, vs 91%), un spécialiste, notamment un psychiatre ou un psychologue
(respectivement 57,8% vs 57,9%).

En revanche, la consommation de médicaments en général augmente de manière importante: à un an de suivi, 45,8% de l'entourage déclarent prendre des médicaments, toutes classes confondues, contre seulement 19,3% lors de l'événement. Ils étaient initialement 8,4% à prendre des psychotropes en particulier et passent à 14,5% à un an.

Les auteurs estiment qu'à un an, la prise de médicaments a progressé d'un facteur de 2,37 et le nombre de lignes de prescriptions de 25%.
Ils soupçonnent aussi une automédication en partie non consciente et non perçue.

Les premières estimations "prudentes" donnent un coût moyen de la surconsommation médicamenteuse à un an de 1.301 euros par proche, soit 323 millions d'euros par an pour l'ensemble des tentatives de suicide  annuelles en France.

Les chercheurs ont examiné de plus près les proches qui ont assisté à la scène suicidaire et/ou ont participé à l'activation des secours (69% des participants). Ils étaient 44% à présenter un psychotrauma à trois mois (13% d'état de stress post-traumatique complet) et 33% encore à un an (12% d'état de stress post-traumatique complet).

Il s'agissait plus souvent de femmes, en plus mauvais état général à l'inclusion et consommant plus de médicaments et plus de psychotropes.

Cette étude indique que dans l'approche des conduites suicidaires, le psychotrauma doit être évalué à la fois chez le suicidant et chez ses proches, en particulier s'ils ont assisté à la scène ou participé à l'activation des secours, concluent les auteurs.