jeudi 3 octobre 2013

RENCONTRE AVEC Michel Debout, membre de l’Observatoire national du suicide.

RENCONTRE AVEC Michel Debout, membre de l’Observatoire national du suicide. « Nous avons perdu beaucoup de temps et de vies humaines »

« Je souhaite voir la mise en place d’un suivi médical des chômeurs sur le même modèle que celui des travailleurs ». Photo Yves Flammin.
Vous vous battiez depuis longtemps pour la création d’un observatoire du suicide. Cette structure vient de voir le jour. Quel est votre sentiment aujourd’hui ?
Cet observatoire est un outil indispensable au développement de la prévention en France.
Nous sommes très en retard par rapport à la Grande-Bretagne ou aux pays de l’Europe du Nord. Au-delà du drame personnel, il s’agit d’un grave problème de santé publique.
C’est un réconfort pour moi qui œuvre depuis 20 ans, mais quel gâchis, nous avons perdu beaucoup de temps et de vies humaines !
Même si, ici ou là, on n’est pas resté les bras croisés et que plusieurs initiatives ont vu le jour.
N’aviez-vous pas pourtant tiré le signal d’alarme plusieurs fois ?
J’ai reçu une fin de non-recevoir de la part de Xavier Bertrand et Nora Berra alors que nous avions fait passer une liste de 3 000 signataires. J’alerte donc les pouvoirs publics en vain depuis 2009.
En avril 2011, nous avons publié le manifeste des 44 pour crier l’urgence, d’autant que la crise économique et sociale était déjà là et nous savions que les précaires étaient les personnes les plus concernées.
Je suis très heureux que Marisol Touraine ait enfin entendu nos revendications.
Peut-on mesurer l’impact de la crise économique sur le nombre de suicides ?
L’estimation faite en France en 2011 mettait en avant le chiffre de 750 décès supplémentaires liés à la crise, au chômage, à la précarité. Il faut prendre en compte la souffrance des personnes qui perdent leur travail puis leur foyer. On sait, par exemple, qu’il y a beaucoup plus de divorces dans une population concernée par un plan social.
Qu’est-ce qui va changer concrètement avec cet observatoire ?
C’est la prise en compte, par les pouvoirs publics, de la réalité du suicide. Ce sujet est même devenu une priorité en terme de santé publique.
Par exemple, autrefois, il fallait trois ans pour collecter les données, c’est beaucoup trop long en période de crise. Désormais, les informations seront connues en temps réel.
Sur quel volet allez-vous vous investir personnellement ?
Je souhaite voir la mise en place d’un suivi médical des chômeurs, sur le même modèle que celui des travailleurs. Aujourd’hui en France, quelqu’un qui perd son emploi perd aussi la médecine du travail.
Il est doublement abandonné et ce message est très négatif. Je mettrai mon énergie à voir cette proposition aboutir.
Recueilli par Yvette Granger