vendredi 8 mars 2013

PAYS DE LA LOIRE RETOUR SUR MANIFESTATIONS ET ACTIONS


Partage d’initiatives - Posté le

Table ronde lors d'un colloque, à Nantes le 7 février 2013, sur la prévention du suicide.
Colloque à Nantes, le 7 février 2013, sur la prévention du suicide. La région des Pays de la Loire paie un lourd tribut à la mortalité par suicide. © Gildas Bellet
L’Agence régionale de santé (ARS) et l’association régionale des MSA (Aromsa) des Pays de la Loire ont organisé, le 7 février à Nantes, un colloque ouvert aux intervenants professionnels ou bénévoles confrontés à la problématique du suicide. Objectif : échanger afin de renforcer l’engagement collectif et mieux se coordonner pour lutter contre ce fléau.

Acteurs de santé, élus, intervenants en milieu scolaire ou judiciaire, professionnels et associations ressources avaient répondu présent à l’appel de l’Agence régionale de santé (ARS) et de l’association régionale des MSA (Aromsa) des Pays de la Loire.Salle comble pour ce premier colloque organisé à l’occasion des journées nationales de prévention du suicide, dans une région qui se place parmi les plus touchées par le suicide en France.

« Des raisons d’espérer »

« C’est à une mobilisation de l’ensemble des acteurs que j’appelle, a insisté Marie-Sophie Desaulle, directrice de l’ARS des Pays de la Loire, en ouverture des travaux. Il faut sortir de cette journée d’échanges avec l’envie de pouvoir mieux faire et, donc, avec des raisons d’espérer. En termes de prévention, nous devons réussir à axer nos interventions et nos financements sur les actions qui fonctionnent. »  Sept catégories considérées efficaces ont été énumérées : « la restriction des moyens létaux, le maintien de contact actif personnel avec les patients, les lignes et centres d’appel, la formation des médecins généralistes, les interventions en milieu scolaire, l’organisation de la prise en charge à la suite d’une tentative de suicide, les campagnes d’information du public. À nous de nous en servir et de voir comment nous orientons ou réorientons les interventions des uns et des autres. »
Cap donc, au cours de cette rencontre, sur l’échange et la concertation pour le développement d’initiatives favorables à l’amélioration de la situation régionale. Les Pays de la Loire paient en effet un lourd tribut à la mortalité par suicide. Rappelant que la France est l’un des pays de l’Union européenne qui enregistrent les plus forts taux de suicide (avec 10.400 décès par an en moyenne en France métropolitaine pour les années 2008/2010), le Dr Jean-François Buyck, médecin de santé publique à l’ORS Pays de la Loire, a mis en lumière les « importantes disparités régionales qui existent au sein du territoire, avec une mortalité par suicide particulièrement élevée dans les régions du quart nord-ouest de l’hexagone, à l’exception de l’Ile-de-France. Le nombre de suicides s’établit dans les Pays de la Loire à une moyenne annuelle de 716 sur la période 2008/2010 ; les trois-quarts d’entre eux concernent les hommes. Et plus de 40 % des suicides touchent des adultes d’âge moyen (35-54 ans) ».

Dynamisme régional

Dans tous les départements de la région, la mortalité par suicide a eu tendance à diminuer chez les hommes et chez les femmes, suivant ainsi la tendance nationale. Mais deux départements se trouvent dans une situation préoccupante : la Vendée, qui se distingue par une diminution nettement moins marquée que pour les autres départements ; la Sarthe, où la mortalité par suicide est nettement supérieure à la moyenne nationale.
Pour autant, « un dynamisme régional est observé en termes d’actions de sensibilisation, de formation, de prise en charge hospitalière », a souligné Jean-Paul Boulé, de l’ARS des Pays de la Loire, lors de la présentation de l’évaluation de la politique régionale de lutte contre le suicide. Une étude destinée notamment à faire le point sur les atouts et les marges de progrès et à identifier les programmes à poursuivre, à mettre en œuvre, voire à supprimer.
Parmi les constats, il a pointé que « les facteurs de risque de suicide et de tentative de suicide ont été très peu pris en compte pour déployer les actions. Les inégalités territoriales ont, elles aussi, été peu prises en compte et donc peu corrigées. » D’où la recommandation d’améliorer le ciblage des actions dès leur planification, en termes territorial et populationnel.
Jean-Paul Boulé a aussi observé qu’ « un certain nombre de dispositifs d’écoute et de lutte contre l’isolement ont été déployés au fil de l’eau auprès de la population par des acteurs très variés, sans vision globale d’ensemble », que « l’accompagnement de l’entourage a été insuffisamment développé dans la région » mais aussi que « les professionnels de santé ont globalement modifié leurs pratiques grâce aux actions de formation ». En revanche, « la coordination, en matière de prévention, de prise en charge et de partage des connaissances n’a pas été suffisamment construite, aussi bien entre les différents dispositifs qu’entre les acteurs luttant contre le suicide ».
À partir de ces constats, des orientations prioritaires se dégagent pour renforcer la politique régionale de prévention de suicide : « poursuite des formations pluridisciplinaires, développement de l’accompagnement rapproché du suicidant et de l’entourage, amélioration de la fonction d’observation, renforcement de la coordination des acteurs ».
colloque ouvert aux intervenants professionnels ou bénévoles confrontés à la problématique du suicide - salle comble
La rencontre était ouverte aux intervenants professionnels ou bénévoles confrontés à la problématique du suicide. © Gildas Bellet

« Un colloque centré sur le vécu »

Damien Bernes, directeur de l’Aromsa des Pays de la Loire a rappelé que « la prévention du suicide est une problématique humaine complexe qui revêt de multiples aspects (connaissances, compréhension, modalités de prise en charge, d’évaluation…) et met en place une multiplicité d’acteurs (entreprises, école, administrations, services sociaux, entourage…). La démarche que nous avons choisie – un état des lieux synthétique sur la région puis un colloque centré sur le vécu – vise à conforter, dynamiser, faire connaître et organiser l’action. »
Ce vécu, ces engagements de terrain, ces initiatives locales – dont certaines conduites par la MSA qui, grâce à sa connaissance du monde agricole, développe de nombreuses actions de prévention en milieu rural – ont été mis en lumière à l’occasion d’une table ronde « Agir ensemble contre le suicide ». On a pu y découvrir l’accompagnement des personnes à risque suicidaire, isolées, en rupture de lien social, ainsi que celui en direction des familles touchées, proposé par l’association Recherches et rencontres ; le rôle de l’inspection du travail auprès des salariés et des entreprises ; le séjour répit proposé par la MSA Mayenne-Orne-Sarthe (voir notre article dans ce dossier) ; les consultations avancées de psychiatrie sur le territoire de Clisson, en Loire-Atlantique.

Des consultations avancées

« Pour les patients souffrant de mal-être, pour ceux qui avaient peur d’aller voir un psychologue, nous voulions orienter, avoir un premier bilan, a expliqué Gilles Barnabé, médecin généraliste du pôle santé pluridisciplinaire de Clisson. Nous avons rencontré l’équipe ambulatoire de prévention du suicide Sud Loire, et, depuis septembre 2009, nous pouvons proposer aux patients, dans un lieu connu, une consultation psychologique comme premier lieu d’écoute puis d’orientation, si besoin, vers un dispositif de soins spécialisés. »
Pour Kahina Yebbal, chef du pôle intersectoriel du centre hospitalier Daumezon, responsable de l’unité de prévention du suicide, « il faut aller vers la population. C’est auprès du généraliste qu’elle va le plus facilement demander de l’aide. Avec ces consultations de prévention, nous espérons intervenir le plus en amont possible. Les troubles de l’humeur paient un lourd tribut au suicide ; l’idée est de repérer précocement ces troubles. Nous souhaitons aussi favoriser l’accès à l’entourage. Peuvent se présenter des familles vivant avec des suicidants ou des personnes en crise suicidaire qui ne vont pas consulter. Nous leur proposons un espace où nous allons entendre leur demande. Car la famille se trouve en première ligne ; l’entourage va être le premier à repérer les changements de son proche. »

Un groupement de prévention du suicide

Autre réalisation de terrain : la mobilisation pour la prévention du suicide dans les Mauges (Maine-et-Loire), qui s’inspire d’un groupement de prévention existant sur la communauté de communes de Vallet, en Loire-Atlantique.
« Une idée partie du groupe local des élus MSA, explique Marc Mauget, agriculteur et élu MSA. Nous travaillions en direction des agriculteurs en difficulté et évoquions la problématique de l’entrée en relation avec eux, tant pour les travailleurs sociaux, les techniciens, les voisins agriculteurs, qui se sentent démunis. Les travailleurs sociaux nous ont alors proposé une formation sur la prévention de la crise suicidaire, organisée sur deux jours. Deux groupes de quinze personnes en ont déjà bénéficié : exploitants et salariés agricoles, retraités, pompiers, infirmiers, professionnels de l’enseignement, puéricultrice, bénévoles de différentes associations, conseiller technique de la chambre d’agriculture, élus MSA, travailleurs sociaux… Tous ont comme point commun d’être en lien avec le public du milieu rural. Nous sommes désormais nombreux à être en veille, à être des antennes. Il ne s’agit pas d’accompagner mais d’être présents auprès de ceux que l’on sent fragiles. »
Maire d’une commune du secteur de moins de 2 000 habitants, Michel Rousseau, également président de la commission sociale de la communauté de communes des Mauges, a franchi le pas et suivi cette formation. « Cette question de la prévention santé me tient à cœur. Les élus sont parfois interpellés directement. Sur le suicide, on n’improvise pas. D’où la formation. Notre idée est de créer des relais, des chaînes pour pouvoir répondre à de premières questions et faire savoir aux citoyens qu’il existe des réseaux, des groupes qui peuvent répondre à des problématiques d’urgence. »

Identification des signaux d’alerte

Même souci de repérage avec la cellule pluridisciplinaire de prévention du suicide mise en place par la MSA de Loire-Atlantique – Vendée, comme par d’autres caisses.
« L’objectif, précise le docteur François Chamard-Bois, médecin du travail à la MSA Loire-Atlantique – Vendée, est de recueillir des signalements provenant du personnel de la MSA, de l’entourage, ou des personnes elles-mêmes. Participent à cette cellule médecins du travail, travailleurs sociaux, conseillers en prévention, agents techniques, agents du recouvrement, du contentieux, agents d’accueil – personnels en contact avec les ressortissants. Nous reprenons systématiquement contact avec la personne pour voir quelle prise en charge est possible par rapport au risque suicidaire (médecin traitant, centre médico-psychologique, associations d’aide…).

De gauche à droite : le Dr François Chamard-Bois, médecin du travail à la MSA Loire-Atlantique - Vendée, Marc Mauget, agriculteur et élu MSA dans le Maine-et-Loire, et  Michel Rousseau, maire de Tillières.
De gauche à droite : le Dr François Chamard-Bois, médecin du travail à la MSA Loire-Atlantique - Vendée, Marc Mauget, agriculteur et élu MSA dans le Maine-et-Loire, et Michel Rousseau, maire de Tillières. © Gildas Bellet
La MSA n’assure pas directement le suivi psychologique mais, au sein de notre organisme, si la personne en difficulté est d’accord, nous voyons ce qu’il est possible de lui proposer au plan des droits sociaux pour éviter d’ajouter des difficultés. Nous avons eu à cœur de former et de sensibiliser le maximum de personnes pour détecter les signes avant-coureurs – inquiétude, changement de comportement, isolement, violences inhabituelles… Pour 70 % des personnes concernées par le risque suicidaire, il y a une dépression sous-jacente, pas forcément prise en charge ni acceptée. » L’identification de signaux d’alerte est donc essentielle pour amorcer un dialogue et proposer un accompagnement adapté. De nombreuses portes d’entrée donc, pour prévenir le suicide.
Pour renforcer la visibilité territoriale des structures existantes dans les Pays de la Loire, un annuaire ressources, destiné aux professionnels, aux élus et aux usagers, a été remis aux participants à ce colloque ; il informe sur les possibilités d’aide et d’accompagnement des personnes en souffrance psychologique (disponible notamment sur le site Internet de l’ARS Pays de la Loire).
colloque prévention suicide à Nantes - vue de l'exposition "des actions - des acteurs"
Avant l'ouverture du colloque, l'exposition "Des actions - des acteurs" permettait aux partenaires de présenter leurs travaux et d'échanger. © Alain Le Soz/MSA Loire-Atlantique - Vendée

Soutenir les adolescents

À Fontenay-le-Comte, en Vendée, avait lieu, le 7 février également, une soirée autour de la prévention du suicide chez les adolescents organisée par le réseau Paséo (Prévention accueil soutien écoute orientation) sous la responsabilité du centre hospitalier de Fontenay-le-Comte, en partenariat avec l’ARS, la Caf et la MSA.

Objectif de cette rencontre : informer et promouvoir l'échange entre les personnes qui côtoient l'adolescent dans un contexte professionnel ou familial.

Une conférence du Dr Alain Braconnier, médecin psychanalyste, psychiatre des hôpitaux et enseignant en université, autour du thème « menaces dépressives et prévention du suicide », la projection d'un court-métrage réalisé par un groupe d'adolescents, et du long métrage Des Filles en noir, de Jean-Paul Civeyrac, ont précédé un débat avec la salle.

Lire aussi

Sommaire de notre dossier « Agir ensemble contre le suicide » Plan national d’actions MSA. Point sur ce plan mis en œuvre depuis fin 2011, pour accompagner les personnes du milieu agricole en situation de fragilité ou en risque suicidaire élevé. Alerter, analyser, agir. Une première analyse quantitative, réalisée par l’échelon national de santé-sécurité au travail de la MSA, de l’activité des cellules pluridisciplinaires mises en place par les caisses pour détecter, accompagner et orienter les personnes en situation de fragilité. Un temps de répit, loin de son lieu de vie. Éclairage sur les séjours « répit » proposés par la MSA Mayenne-Orne-Sarthe depuis 2010. Le silence est mort. Zoom sur l’initiative du Centre local d’information et de coordination (Clic) des Pays de Bresse et du service social de la MSA Ain-Rhône destinée à promouvoir la cellule de prévention des situations de détresse de la personne âgée ainsi que la cellule d’accompagnement du mal-être et de prévention du suicide.
Gildas Belle

Le DOSSIER

Agir ensemble contre le suicide



Les exigences excessives du travail, l’insécurité des emplois, les difficultés économiques, familiales, les pressions financières, l’isolement… peuvent avoir des conséquences graves sur la santé, avec pour manifestation extrême, la crise suicidaire. Le monde agricole n’en est pas exempt.
Pour prévenir ces situations de fragilité, la MSA prend appui sur son organisation en guichet unique : elle organise le maillage du territoire, développe le travail en partenariat, engage une forte mobilisation de ses équipes et de ses élus.

Sont proposés dans ce dossier :
Partage d’initiatives. Compte rendu d’un colloque organisé, le 7 février 2013 à Nantes, par l’Agence régionale de santé et l’association régionale des MSA (Aromsa) des Pays de la Loire, ouvert aux intervenants professionnels ou bénévoles confrontés à la problématique du suicide.
Un plan national d’actions MSA. Point sur ce plan contre le suicide mis en œuvre, depuis fin 2011, pour accompagner les personnes du milieu agricole en situation de fragilité ou en risque suicidaire élevé.
Alerter, analyser, agir. Première analyse quantitative, réalisée par l’échelon national de santé-sécurité au travail de la MSA, de l’activité des cellules pluridisciplinaires mises en place par les caisses pour détecter, accompagner et orienter les personnes en situation de fragilité.
Un temps de répit, loin de son lieu de vie. Éclairage sur les séjours « répit » proposés par la MSA Mayenne-Orne-Sarthe depuis 2010. Il s’agit d’intervenir en amont, afin de permettre aux personnes en proie au découragement et au mal-être, de prendre du recul pendant quelques jours, loin de leur quotidien, et d’amorcer, avec le concours d’une psychologue, une réflexion pour préserver leur santé.
Le silence est mort. Zoom sur l’initiative conjointe du Centre local d’information et de coordination (Clic) des Pays de Bresse et du service social de la MSA Ain-Rhône destinée à promouvoir la cellule de prévention des situations de détresse de la personne âgée ainsi que la cellule d’accompagnement du mal-être et de prévention du suicide.
Gildas Bellet