vendredi 6 mars 2009

EVALUATION PRATIQUE PROFESSIONNELLE EPP

EPP infos n° 33sur http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_749528/fr/questions-adr-catherine-caparros

Questions à...Dr Catherine Caparros

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La lettre des Chargés de missions régionaux pour l'évaluation (CMRE) et des professionnels de santé

[ Questions à... ]

> Dr Catherine Caparros
Psychiatre – Directrice médicale – Présidente de CME - Clinique de Vontes-Esvres sur Indre

• Quel est le contexte de l’établissement dans lequel vous exercez ?L’établissement dans lequel j’exerce, avec six autres psychiatres, est une clinique exclusivement psychiatrique (psychiatrie aiguë) de 135 lits. La durée moyenne du séjour est de trente jours. Plus de 60 % des patients que nous accueillons sont suicidaires et près de la moitié d’entre eux sont admis dans l’après coup d’un passage à l’acte suicidaire, voire à la sortie de réanimation.
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez mis en place des mesures d’amélioration ?En trois ans, l’établissement a été confronté au suicide de trois de ses patients et à une tentative de suicide grave. Le suicide est un acte violent et institutionnellement très douloureux. Il s’agit d’un acte déstabilisateur et culpabilisant qui peut entraver la qualité ultérieure des soins. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu mettre en place des stratégies de réflexion afin de prendre des mesures pour améliorer la qualité de la prise en charge de ces patients.
 
Quelles sont ces mesures ?Tout d’abord, nous avons mis en place une revue de morbi-mortalité selon la méthode préconisée par la HAS. Une réunion est organisée à chaque suicide dans l’institution et fait l’objet d’un compte-rendu. Au cours de cette réunion, l’analyse détaillée de l’histoire clinique et institutionnelle du patient (ainsi que son passage à l’acte) est présentée par le psychiatre à ses confrères et à la DSSI (directrice des soins infirmiers).
Depuis peu, nous prenons en compte également tous les patients que nous sommes obligés de transférer en HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers).

Quel est le but de cette présentation détaillée de l’histoire du patient suicidaire ?
Cette présentation a plusieurs objectifs. Elle permet au médecin pour lequel le décès violent de son patient est toujours difficile à accepter, de prendre du recul par rapport à cet événement. Elle permet surtout de repérer les éventuels dysfonctionnements et d’identifier les signaux d’alarme. À terme, il s’agit de dégager une stratégie de dépistage des patients à haut potentiel suicidaire pour prévenir les passages à l’acte. Cet exercice est délicat et nécessite impérativement un climat de confiance et d’entraide, autorisant un partage d’expériences fructueux.
Ces mesures vous ont-elles d’ores et déjà permis d’obtenir une amélioration mesurable ?Grâce à la revue de morbi-mortalité, nous avons ainsi constaté que les passages à l’acte surviennent le plus souvent le week-end et plus particulièrement le samedi, après les visites des familles. Nous nous sommes enrichis de l’expérience d’une psychologue qui a mis en place des groupes de parole pendant cette plage horaire. Par ailleurs, les médecins sont plus attentifs dans les modifications des traitements effectuées le vendredi. Nous avons également été alertés par le risque accru de passages à l’acte chez des patients hospitalisés de nombreuses fois et dans différentes institutions. Pour ces patients, la vigilance est accrue. Par ailleurs, la recherche de l’idéation suicidaire à toutes admissions de patients dépressifs (échelle MADRS à l’admission) est systématique.
Enfin, sensibilisés quotidiennement à la prévention du risque suicidaire, nous nous sommes attachés au diagnostic de bipolarité dans les états dépressifs récurrents. Nous sommes très attentifs à la recherche des états hypomaniaques dans l’anamnèse qui passent souvent inaperçus car vécus comme agréables par le patient.
Le traitement d’un état dépressif n’est pas le même lorsqu’il se situe dans un contexte de bipolarité. Le traitement par antidépresseurs peut entraîner un syndrome d’activation avec risque de passage à l’acte si la bipolarité n’a pas été repérée. Le traitement de la dépression bipolaire est plutôt orienté vers la prescription d’un thymorégulateur.
Mieux repérer une bipolarité atténuée, c’est dépister les éventuels épisodes hypomaniaques, c’est donc mieux prendre en charge l’état dépressif et ainsi mieux prévenir rechutes et passages à l’acte (15 % des bipolaires se suicident).
C’est également dans ce souci de prévention que nous avons mis en place depuis deux ans des groupes de psychoéducation de patients bipolaires au sein de l’établissement.
 
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Mis en ligne le 06 mars 2009